samedi 19 septembre 2015

L'interview du cerveau, en exclusivité mondiale.

She asked for my love and I gave her a dangerous mind.
David Bowie, Scary Monsters, 1980.



When I'm just in my own mind, it's a dangerous neighborhood.
David Bowie, interview, 1997.


Moi : Bon, cerveau, cette fois-ci, ça ne rigole plus, l'idée te (nous) trotte dans la tête depuis deux mois, on va se la faire, cette interview.
Cerveau : Ben c'est comme tu veux, c'est vrai que ça fait un moment que tu y penses, depuis que quelqu'un s'était fait un trip semblable sur facebook cet été. Tu t'es dit : ah, je suis pas la seule à parler avec mon cerveau, cool !
Moi : Oui, mais comme d'habitude, je réfléchis des plombes avant de faire quelque chose, même un billet de blog pour blaguer, c'est pénible, cerveau, tu es pénible, en fait.
Cerveau : Je fais ce que je peux.
Moi : Tu rigoles, j'espère ? Tu es le tas de neurones le moins fiable de la galaxie. Cet été, il faisait chaud,  tu ramais, t'avais des excuses, mais là, en septembre, c'est quoi ton explication ? Parce qu'entre le mal de crâne et le fonctionnement aléatoire, on peut pas dire que je sois satisfaite de toi.
Cerveau : Alors le mal de crâne, si la médecine déclare forfait, c'est pas moi qui vais faire mieux. Je suis un cerveau normal de femme adulte ayant dépassé la cinquantaine en relativement bon état mais pas flambant neuf non plus. En plus, j'ai pris un coup sur la calebasse il y a trois ans et depuis…
Moi : Oui, bon, ça va, je suis au courant. C'est pour ça que je me dis qu'une petite interview ça peut peut-être aider. Genre mini-thérapie, mettre les choses à plat, voir où on en est.
Cerveau : Et donc, en fait, c'est quoi le problème ?
Moi : (soupir). Le problème, mec, c'est que t'es en boucle sur Bowie depuis que j'ai vue l'expo en mai, et que je fatigue. Je savais que je courais un risque de te remettre dans ce genre d'état mais je pensais pas que ça serait aussi grave.
Cerveau : Ben pourtant, tu sais bien que c'est pour ça que tu as été super prudente pendant des années : pas de surf de Star Wars ni de Bowie, jamais jamais jamais, parce que c'est des puits sans fond et que tu (enfin, je) plonge dans des spirales de recherche de la moindre connerie insignifiante…
Moi : Ce qui me donne l'impression d'être un rat dans une expérience sur la cocaïne. Tu sais, celles où la bestiole n'arrête pas de s'injecter du produit au lieu de bouffer et de faire des trucs normaux de bestiole et en crève. C'est fatiguant. D'autant plus que vois-tu, cerveau, j'ai d'autres choses à faire, comme des bouquins à traduire (pour manger) et un roman à écrire (parce que c'est comme ça), et ça serait pratique si tu voulais bien me dégager de l'espace pour effectuer des tâches importantes au lieu de me fourrer dans un état de mélancolie ridicule parce que je ne suis pas née à temps (et pas au bon endroit) pour voir Ziggy en concert.
Cerveau : Ben, j'essaie. Là, par exemple, tu es en train d'écrire un billet de blog sur le bazar invraisemblable qui règne dans tes intérieurs pensants en espérant que ça va les mettre dans l'ordre et (allez savoir) éclairer tes contemporains par-dessus le marché.
Moi : Voui. Ça fait juste presque quarante ans que je fais ça, écrire des trucs, et j'ai pas l'impression que ça ait changé grand-chose. En fait, le premier exemple de mise en boucle dont je me souviens, ça doit être en fin de sixième. Tu te souviens ?
Cerveau : (regarde en l'air et sifflote).
Moi : Les tags du prétérit. Oui, les trucs en did et didn't. Le prof nous a fait ça à la fin de l'année, et le putain de truc m'est resté en tête pendant je ne sais combien de temps. Pendant les grandes vacances !  J'avais des did et des didn't qui se déclenchaient tous seuls et que je n'arrivais pas à arrêter. C'était chiant, cerveau.
Cerveau : Mais bon, tu as fini par les avoir, les tags fous, non?
Moi : C'était y'a longtemps, mon vieux, mais il me semble que oui, je me rappelle que j'ai fini par réussir  à t'empêcher de réciter de l'anglais dans ma tête à tout bout de champ. Mais là, le truc, c'est qu'il faudrait que tu arrêtes de me lancer sur le net à la recherche de bouts de 1977 parce que je dois d'abord finir ce bouquin, et après, je pourrais écrire une novella où je collerai toutes ces infos inutiles que je ramasse en traînant sur le net. Parce que le roman, tu vois, il parait qu'il y a des gens qui l'attendent, et ça fait déjà un moment que je suis dessus et j'aimerais juste le finir et passer à autre chose, comme les gens normaux, au lieu de supporter tes caprices de diva.
Cerveau : Eh, c'est pas ma faute à moi si tu fonctionnes par associations et dérives et pas de manière logique et rationnelle. C'est un peu ce qui te permet d'avoir des idées de textes, si tu vois ce que je veux dire.
Moi : Je ne le vois que trop bien, hélas. J'ai tout un tas de bouts de projets que je traîne depuis des années et que je ne finis pas parce que passé l'enthousiasme de la naissance des idée, je m'emmerde et ça va pas plus loin. (Bowie aussi, faudrait faire une compil des interviews où il parle de projets dont on a jamais rien vu, mais bon, au cas où t'aurais pas remarqué, il a pondu un certain nombre d'album, lui.) C'est très chiant. Et je pourrais avoir des idées sans avoir aussi des bouts de chansons de Bowie qui se déclenchent dans ma tête tout le temps, tu vois. Surtout que je chante faux et je ne joue d'aucun instrument. C'est carrément nul.
Cerveau : Oui, bon, ok, on va essayer d'arranger ça. D'un autre côté, si tu arrêtais d'écouter lesdites chansons, ça éviterait de me les remettre en mémoire. Parce que je suis un vieux machin : les vieilles connexions sont les plus solides.
Moi : Ben il semblerait qu'écouter Bowie ait un effet calmant sur le merdier existentiel qui est le tien en ce moment, cerveau. On fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.
Cerveau : À qui le dis-tu !
Moi : Je vois. Il est peut-être temps que je te lâche, hein ? Je me dis que je te ferais bien une interview comme ça par mois, ça serait peut-être intéressant.
Cerveau : Ou pas. Tu nous connais : on est pas foutus de savoir ce qui nous intéressera dans un mois, et encore moins de rester concentrés dessus, alors on va pas s'engager sur un truc qu'on tiendra pas.
Moi : C'est pas sérieux. On est vieilles, bon sang, on a de l'expérience. On devrait arriver à avoir de la constance et de la discipline et à bosser de manière rationnelle et planifiée.
Cerveau : Mouahahahah.
Moi : Oui. Bon. Cerveau, je suis à la fin de mon billet et j'ai pas de chute, tu peux pas m'en filer une, non ?
Cerveau : Comment veux-tu, tu es partie dans ce billet sans plan ni rien !
Moi : C'est vrai. Bon. Je vais nous faire un thé et jeter un œil au bouquin, alors.
Cerveau : Ne viens pas te plaindre si tu ne dors toujours pas à quatre heures du mat.
Moi : Une infusion ? On a de quoi faire des infusions ?
Cerveau : Ch'ais plus. Va voir dans le placard.

2 commentaires:

Rechercher dans ce blog