dimanche 24 janvier 2010

Le petit supplément de la mère Denis du dimanche n °7 :

Je ne sais pas comment vous lisez les blogs de vos auteurs favoris. N'ayant ni méthode ni théorie à appliquer à la question, je lis en général ceux de mes collègues de bureau/ connaissances / relations de travail /vieux potes / nouveaux copains/ de manière erratique et par gros paquets qui me permettent de remonter un peu le temps. 
C'est donc ainsi que je suis tombée sur ce billet du blog de Fabrice Colin. J'en suis restée un peu, comment dire ? Sidérée est un trop grand mot, on va donc dire vaguement incrédule et quelque peu attristée. 
Je ne souhaite pas revenir sur Le Fil qui est à l'origine de la remarque qui clôt le billet. J'en pense, du fil en question, que sa longueur et l'ambiance qui s'y est créée, ont plus à voir avec la nature d'internet et des forums qu'avec l'intelligence, la culture ou même la personnalité des personnes y ayant participé. 
Personnellement, si je n'interviens que très peu sur les forums, c'est que j'estime que quand je le fais, cela occupe trop d'espace mental que je préfère consacrer à autre chose. La nature même du forum —un espace de dialogue public qui en a un, justement, de public — encourage les réactions irréfléchies, la pose, le lâcher de vannes méchantes et les engueulades inutiles. C'est le médium qui induit ça… (ça passera peut-être quand les gens auront vécu avec toute leur vie… ) Et c'était ma seule réflexion de sociologue du dimanche… 

Non, ce qui m'a vraiment étonnée dans le billet en question, c'est qu'il s'achève par ceci : 
« Si on était taquin, et simplificateur, on pourrait dire que certains de ses contempteurs, aussi brillants et/ou calés soient-ils, ne semblent pas réaliser que c'est précisément le style de leur discussion, entre règlement de compte récurrent et agressivité pathologique, qui condamne le genre à une irrémédiable ghettoisation.»
Et là, désolée Fabrice, mais ma mâchoire se décroche et tombe sur mes moonboots en papier alu. Je n'arrive pas à croire qu'on puisse (même par taquinerie) croire un seul instant que quelques échanges verbaux un peu musclés entre personnes qui se connaissent plus ou moins personnellement depuis plus de dix ans — aient la moindre influence sur Les Pouvoirs en Place qui font que la SF, la fantasy, les littératures transbizarroïdes et autres fictions plus ou moins classifiables aient la position qu'elles ont dans notre beau pays et son paysage éditorial unique. 

 J'ai toujours écrit ce dont j'avais envie, en ayant parfaitement conscience d'écrire parfois de la SF (une bonne moitié de mes nouvelles), du fantastique (une nouvelle), du bizarro-merveilleux (une nouvelle) de la fantasy (un roman). J'ai en chantier ceci : la suite de la Saison des singes, de la vraie SF avec d'authentiques morceaux de vaisseaux spatiaux dedans. La suite de Haute-École (de la fantasy, enfin, ça dépend où…) un roman fantastico-étrange relativement contemporain, une novella de fantastique pur. Des romans de SF jeunesse. Etc. La littérature dite générale ? Je ne sais pas faire. Le polar : j'aimerais, mais je ne sais pas faire non plus. Idem pour le roman historique. 


J'ai toujours fréquenté des gens qui n'ont pas tout à fait, ou pas dans tous les domaines, les mêmes goûts que moi. N'ayant pas le temps de tout lire, je trouve bien pratique que des conversations ou des fanzines ou des blogs signalent tel ou tel bouquin que je n'aurais pas découvert moi-même par manque de temps ou d'envie.  Il m'arrive même de les lire !
Que des engueulades plus ou moins musclées dans des fanzines (je précise pour montrer qu'il y a continuité historique ), sur des sites et des forums aient la moindre influence sur la chaîne du livre, c'est à dire les personnes qui sont les véritables acteurs du champ économique où nous travaillons, je parle des  éditeurs, des directeurs de collections, des distributeurs, des libraires etc, lesquels n'ont pas le temps matériel d'en savoir quoi que ce soit sinon de vagues récits…n'a pas de sens. 
Les Grands Médias ? Mais qu'est-ce que les grands médias en ont à battre de savoir si c'est Maurice Renard ou Hugo Gernsback qui a inventé la SF ? Ou plutôt, s'ils étaient au courant, qu'en auraient-ils à battre de savoir que douze péquins s'écharpent sans la moindre retenue pour déterminer le Plus Petit Commun Dénominateur à tous les textes susceptibles d'être étiquettés SF ?
Les vibrations délétères de ce type de querelle seraient capables d'influencer nos habiles cerveaux du Monde des Livres, de l'Express, du Point, d'Elle, de Lire ou du Magazine Littéraire ? Leur style mal dégrossi (qu'ils ne connaissent pas ! ) leur ferait détourner le nez ? Leur passion et leur emportement ne leur conviendrait pas (on se demande pourquoi, pour autant que je me souvienne, les engueulades,  la téloche adore ça ! ) Et leur disparition permettrait, dans un monde rendu meilleur,  de leur en envoyer d'autres, positives, qui les feraient soudain revenir sur cinquante ans d'indifférence caractérisée? 
Ben voyons. Ce serait tellement simple. Pourquoi n'y ont-ils pas pensé plus tôt ! Passer à côté de la Reconnaissance Littéraire et Médiatique pour trois cigares fumés le lundi et cent litres de bière bus année après année dans de ridicules réunions de geeks microcéphales, faut-il être sots ! 
Ah, si j'aurais su, j'aurais pas gâché ma jeunesse ! J'aurais pas fréquenté tous ces dévoreurs de livres, tous ces gens cultivés, intelligents, dotés du sens de l'humour et de la déconne et capables de produire des fanzines et des revues en dépit d'une insolvabilité économique chronique avec qui, étonnamment, je pouvais discuter des auteurs que j'aimais et de bien d'autres choses encore comme toute personne normalement constituée le fait avec ses amis, collègues et relations, avec ou sans internet. 

Bref, c'est tellement sot que je n'arrive pas à croire que Fabrice, qui connaît aussi bien que moi le paysage éditorial et la chaîne du livre en France, croit un seul instant à une telle affirmation. 


Elle ne peut donc avoir qu'un sens : dire à un certain nombre de gens que si la SF est là où elle en est, c'est de leur faute. Le ghetto, c'est eux et c'est le mal.
Sauf que…


Le ghetto, c'est dans la tête. 

Je n'ai pas, je n'ai jamais eu, l'impression de vivre  ou d'écrire dans un « ghetto ». 
De partager avec un certain nombre de gens un intérêt et un goût démesuré pour un certain genre littéraire, oui. D'avoir avec certains, à certains moments, des conversations de spécialistes qui n'intéressent que nous ? Y'a intérêt, on est pas là pour s'ennuyer, que je sache. Le  genre littéraire en question est méconnu, ignoré et parfois méprisé ? Et alors ? C'est dommage, mais c'est pas mon problème.  Ou plutôt, quand je considère que ça l'est, je fais ce que je peux : j'écris des bouquins pour les mômes. 
Et puis ça fait un moment que je suis une grande fille, le soit-disant ghetto, je peux vivre avec. 
Oh, merde, en fait, ça fait trente ans que je vis avec. Et sur les trente ans, à part une petite période de la deuxième moitié des années soixante dix, on ne peut pas dire que le succès économique et la gloire médiatique (pour le genre) aient été au rendez-vous. Zut alors. 
Et vous savez quoi ? Je pense que je vais continuer à vivre avec, bon an mal an, avec ou sans pognon, pour les trente ans qui viennent. 
Et quelque chose me dit que je serai en bonne compagnie, et, surtout, surtout, que je ne m'ennuierai pas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Rechercher dans ce blog